Quatre
lettres de Maurice-Pierre Boyé
Neuilly - le 6 janvier 1965
Mon cher ami,
Merci de vos voeux. Voua
avez les miens, pour vous cinq.
Je n’ai jamais
été plus heureux. Je n’ai pris aucune nouvelle fonction, me contentant du peu
que je possède et jouissant de ce semblant de liberté qui me permet d’aller où
je veux et quand je veux...
Hier j’ai
appris par le Figaro la mort de mon vieil ami Louis Vaunois, l’historien de
Louis XIII. Il était mon voisin à Neuilly. Il se flattait, à juste titre, de
descendre de Racine et dirigeait les
Cahiers Raciniens, si passionnants.
Aujourd’hui T.
S. Eliot, un grand poète doublé d’un grand critique. Il m’a reçu à Londres peu
de temps après la Libération. Inoubliable entrevue ! Elle coïncida avec la
mort de Valéry. Nous parlâmes, entre autres choses, du Port-Royal de Sainte-Beuve...
Je pense que
vous continuez à accumuler des livres ! Moi, je n’achète plus. Je me
contente des services de presse et tente de classer tout ce que je possède.
En toute
sympathie, à vous deux.
Maurice-Pierre Boyé
PS - Je suis resté à Boullay
jusqu’au 2 novembre. Sage limite !
Neuilly - 9 février 65
Mes chers amis
Merci de cette double lettre ! Le lendemain de l’envoi de la mienne, je recevais la revue de l’Abeille et j’apprenais votre nomination. J’en suis heureux pour vous.
Pauvre Le
Goffic ! Je l’ai peu approché, mais je sais combien il était gentil.
Je serai très
heureux de rencontrer chez vous Melle Pinatel. Choisissez un samedi
ou un dimanche qui vous convient et indiquez-le moi une semaine à l’avance, si
possible, en me rappelant l’heure des trains. J’ai toujours pensé que les
chevaux de Marly provenaient, non de Versailles, mais du château de Marly. Il
faut donc consulter un ouvrage sur ce domaine.
Allez-vous aux
Arts Décoratifs, l’exposition des objets religieux ? Tout le trésor de
Conques est là !
Félicitations
pour vos achats. Je vous ai déjà dit, je crois, que le petit-fils d’Albert
Sorel était pour moi un ami de plus de 40 ans ! Je suis allé l’entendre,
la semaine dernière, aux Annales. Il a évoqué l’existence, le procès et la mort
du malheureux Colonel Rossel, victime de la Commune.
Je vous
parlerai de vive voix de Rodolphe Darzens. Ce fut un très curieux homme.
Certains de ses livres sont très recherchés pour les frontispices de Rops. Ne
manquez pas cela, si l’occasion s’offre.
Je suis ravi
par Colas Breugnon de Romain Rolland.
A bientôt.
Neuilly - 16 février 65
Mon cher ami
Entendu pour
le dimanche 28. Je prendrai sans doute le premier train indiqué par vous.
Dimanche
prochain, à la Sorbonne, on rend hommage à mon maître Henri de Régnier. J’y
serai. Et, la veille, on inaugure la plaque sur la maison de la rue Boissière
où il vécut et mourut, où je suis allé tant de fois… Que de souvenirs !
Oui, pauvre Rossel ! La conférence de Jean-Albert Sorel vous aurait enthousiasmé. C’est Gambetta qui le nomma colonel.
Je n’ai pas lu
Les Nouveaux Prêtres. Parmi les nouveautés, je prends fort peu de romans. Sur
ma table, actuellement, m’attendent le volumineux Tolstoï, de Troyat, la
non moins volumineuse Correspondance de G. Sand, la Sicile de
Maurice Andrieux, etc, etc…
Et puis, M. de Saint-Pierre m’agace terriblement. Il est d’ailleurs fort discuté….
Ah ! le
Démon de Midi, dédié à Bazin ! Il faut lire L’Etape.
Nous parlerons
de tout cela.
Dites à M.
Weinberger que je ne l’oublie pas et que j’aimerais bavarder avec lui. Sa
culture m’enchante.
Bien
amicalement à vous deux.
Boullay-les-Troux, par
Limours S et O
26 août 65
Mes chers amis
Je classerai votre bonne et belle lettre dans mon exemplaire de la Franche-Comté ! Je suis ravi que cette région vous plaise. Vous avez bien profité de vos vacances. Mais avez-vous vu Fernier ? Vous ne m’en dites rien.
Vos lectures
sont toujours excellentes. Ah ! les
délicieuses lettres de Joubert à Mme de Vintimille ! Texte exquis. M. de
Camors me semble le meilleur Feuillet.
J’ai bien
connu Gabriel Brunet. Excellent critique et curieux romancier. Il est mort trop
tôt.
Bravo pour le
Buchon. Champfleury l’aimait beaucoup. Je possède une partie de la
correspondance de B. à Ch. et de Ch. à
B. Tous ces papiers me furent donnés par une des filles de Mme Buchon (second
mariage). J’ai ainsi tout un dossier
Buchon.
Oui, je lis
beaucoup et j’écris de petites études sur Port-Royal : un sujet
inépuisable et qui me passionne. Je recherche tout ce qui concerne l’ancien
château du Troux, au XVIIe siècle, propriété du janséniste Guillaume
du Gué de Bagnols. Le jeune Racine est venu aux Troux, j’en ai la preuve.
Si vous avez
une voiture à votre disposition , venez jusqu’ici. Nous avons beaucoup à nous
dire.
Bien
sympathiquement vôtre,