Quelques réflexions sur la démographie française

à propos de l’Etat et la natalité

du marquis de Roux



Dans un ouvrage intitulé L’Etat et la natalité, publié en 1918 par la Nouvelle Librairie Nationale, le marquis de Roux commente les premières mesures prises en France en faveur des familles nombreuses après un siècle de malthusianisme larvé ou affiché. C’était la loi du 14 juillet 1913. « Cette loi, écrivait-il, était adoptée en même temps que celle qui ramenait à trois ans la durée du service militaire actif pour essayer de compenser la supériorité d’effectifs que sa natalité assurait à l’Allemagne ».

La France était le pays le plus peuplé d’Europe à la fin du XVIIIe siècle. Comme on le sait, le siècle suivant ne fut pas favorable à son développement démographique : lentement, mais sûrement, le Code Civil tuait le pays. Rappelons qu’au cours de la plus longue période pacifique qu’ait connue la France, de 1871 à 1914, sa population est passée de 37 à 39 millions, alors que, dans le même temps les Allemands passaient de 37 à 67 millions. « Perte de substance probablement sans exemple dans l’Histoire », notait Guy Dupré dans son admirable préface à la correspondance Barrès-Maurras, publiée par la Librairie Plon en 1970, et qui ne justifiait que trop la prophétie du docteur Rommel prévoyant, dès 1886, que l’Allemagne succomberait, un jour ou l’autre, à l’appel du vide, et ajoutant : « La politique des races est impitoyable ».


En 1909, Henry Bordeaux publiait La Croisée des Chemins. Dans ce roman où il fait revivre à la fois ses souvenirs du Quartier Latin et prend pour canevas le problème moral qu’il eut lui-même à résoudre au moment de la mort prématurée de son père, il s’est créé un double, le docteur Pascal Rouvray. Celui-ci, après avoir repris le cabinet de son père à Lyon, revient quinze ans plus tard à Paris où il inaugure une brillante carrière de spécialiste des maladies nerveuses. Beaucoup de femmes du monde viennent le consulter. Or quelles sont ses méthodes ? quel est son diagnostic ? « Il défendait avec acharnement la vie normale, la vie équilibrée contre les artifices contemporains, causes de tous ces désordres qu’une civilisation meurtrière introduit dans l’organisme, spécialement contre cette peur de l’enfant qui est un des fléaux actuels et qui est parvenue à modifier l’existence de la femme moderne, à altérer le caractère et la stabilité du foyer… »


Mais revenons à ce magnifique Marie de Roux. Il se penche, bien entendu, sur le problème de l’avortement. Sur ce problème, il donne ses sources dont la plus importante est le livre de Stanislas du Moriez : L’Avortement, ses conséquences au point de vue du dépeuplement de la France (1),. Le professeur Grasset écrivait dans la préface de ce livre : « Il faudrait à la France 500.000 naissances de plus : par une coïncidence fortuite mais frappante, ce nombre est celui dont un crime, l’avortement, prive notre patrie. Sans lui la France s’accroîtrait suffisamment ». Me de Roux recoupe ce chiffre et le discute. « Ce chiffre d’un demi-million, ajoute-t-il, n’est certes pas démontré, mais il n’apparaît plus comme si invraisemblable. Il paraît difficile de convaincre d’exagération la société obstétricale qui estime qu’un tiers des fruits de la conception est détruit par avortement volontaire, et il faut certainement regarder comme un minimum le chiffre proposé par Budin (2) de 200.000 avortements volontaires par an ».


(1) Paris, Marchal et Godde, 1912.


(2) Réforme sociale, 1915, II, p. 144.

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