Charles Fouqueray (Paris)

à Marie Jacquillat (Fontenay)

5 février 1915



5 février 1915


Chère Madame


Quand remontant le cours des souvenirs je songe à cette période de mon séjour à Brest, au lycée, c’est toujours avec émotion que je me rappelle l’accueil affectueux que vos parents avaient fait à leur jeune compatriote. Le grand potache de 15 ans que j’étais... et les « jours de sortie » passés chez vous et avec les vôtres marquent encore avec toutes leurs réalités le plaisir - malgré l’estompe du recul sous lesquels, déjà, hélas ! - je suis forcé de les voir...

C’est vous dire, chère Madame, que si je n’ai point oublié l’aimable famille Brestoise, je me rappelle aussi et la « rue de Tocqueville » et le « boulevard St-Michel » que vinrent habiter successivement vos parents. Aussi c’est avec attendrissement que je salue la mémoire de votre père qui avait compté faire de moi « un marin » - et de madame votre mère qui avait pensé que j’en serais « un » quand même - propos de jadis, dont elle s’était souvenue et qu’elle m’avait répété la dernière fois que je la vis à Rochefort - en songeant, disait-elle, à l’oeuvre que, peintre, j’avais entreprise.

... et de fait - comme je suis le peintre de notre Histoire de la Marine et de cette admirable et héroïque épopée de nos gens de mer - pour beaucoup et dans le monde des marins surtout, je passe pour avoir l’âme d’un marin, en être un.

Je suis très touché des compliments - qu’au sujet de cette oeuvre, de mes efforts et de mes succès - votre lettre me porte ainsi que du cordial souvenir que vous voulez bien me témoigner d’autre part.

Aussi c’est avec joie, chère Madame, que je verrais, entre nos deux familles, s’établir des relations de cordiale intimité et je vous suis très reconnaissant d’y avoir songé.

Pour commencer, Madame Fouqueray sera heureuse d’aller vous voir, mardi, avec ma fille, et j’irai probablement les chercher : la liberté de mes mouvements vous indique que je ne suis pas « au front », ce que je regrette drôlement par moments - et ce qui ne se réalisera peut-être pas - quoique mobilisable. Toutefois je suis débordé de travaux sur la « Guerre » et quelque peu bousculé, mais je ferai l’impossible pour aller jusqu’à Fontenay vous saluer et faire la connaissance de votre mari et de tous les vôtres.


Madame Fouqueray se joint à moi pour vous assurer, vous et les vôtres, de notre cordiale sympathie et j’ai l’honneur de saluer votre mari dont je serai enchanté de faire la connaissance.

Je vous prie, chère Madame, d’agréer l’expression de mes respectueux sentiments.


D. Charles Fouqueray


Je vous recevrai à mon atelier le jour où il vous sera possible d’y venir avec votre fille - et que vous voudrez bien m’indiquer.


nota : en-tête du papier : 52, rue Lhomond. Ve


original de cette lettre donné à Georges (Noël 2003)

Charles Fouqueray, peintre français né au Mans en 1870, mort à Paris en 1956. Elève de Cormon, il est l’auteur de nombreuses compositions inspirées par l’histoire de la marine et des colonies. Il a décoré l’hôtel-de-ville de Niort, illustré la Bataille de Claude Farrère et est représenté au musée de la Guerre (la Prise du fort de Douaumont). [Académie des Beaux-Arts, 1947.]

Pour plus de renseignements, voir le site historic-marine-france.com/huile/fouqueray.htm

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