LES PREMIERES  LETTRES : 1822-1824

 

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n° 1

Edme Jacquillat (Montigny)

à Joséphine Petit (Paris)

30 décembre 1822

 

                                                                                         30 Xbre 1822

 

Ma chère soeur

 

Vous allez m'accuser de négligence, en ayant mis tant de retard à répondre à l'agréable vôtre en date du 6 ct, mais je ne sais pourquoi votre lettre éprouva autant de retard, car je ne l'ai reçue que le 19 ; nous avons reçu les paniers, je vous en remercie. Alphonse a été charmé de son hochet et suis bien flatté des graines de jardinage que vous avez eu la bonté de m'envoyer ; je suis on ne peut plus reconnaissant de toutes vos bontés.

Je vous donne avis que je viens de mettre à la diligence du petit musc qui partira ce soir d'Auxerre un panier contenant un pâté, du boudin et des côtelettes ; je suis fâché du froid qu'il fait car il est certain que le tout va être gelé, j'implore votre indulgence en faveur de la pâtissière ! Vous allez sans doute trouver le boudin bien gros, mais vous savez qu'en faisant rétrécir les boyaux, cela rend la peau dure.

La gelée va perdre le goût de tout, la cuisinière ose dire que le boudin est passable, le pâté id., elle craint qu'il ne soit pas assez cuit : vous voudrez bien lui en donner réception. Vous allez sans doute dire qu'elle a de l'amour-propre. Elle nourrit depuis longtems deux volailles qu'elle avait intention de vous envoyer, mais l'intempérie fait qu'elle ne vous les expédie pas, dans la crainte que cela ne soit perdu.

Alphonse se porte bien : depuis 15 jours il est aimable, vous ne le reconnaîtriez pas, il a 8 dents. Je ne sais s'il fait aussi froid dans votre capitale, comme dans nos climats ; mais nous trouvons cela bien rude vu que voilà plusieurs hivers qu'il ne gèle pas.

Ma femme et Alphonse se joignent à moi pour vous témoigner leur amitié, et finis en vous embrassant de tout mon coeur

                                         

                                                                              Jacquillat Charlot

 

Nous embrassons notre cher neveu. Veuillez être l'interprète de nos sentiments d'estime auprès de Monsieur Auguste. Nous vous souhaitons une bonne fin d'année et un heureux commencement de l'autre

                                                                                                    

                                                                              ce 30 Xbre 1822

 

 

nota : l'adresse figurant sur la 4ème page de la lettre est :        Madame veuve Petit

                                                               Mde Epicière rue de Bretagne

                                                               n° 56 au marais     Paris

 

Edme Jacquillat est le grand-père de Firmin : né en 1794, en 1822 il a 28 ans ; il s’est marié l’année précédente et son premier fils, Alphonse (le père de Firmin) a tout juste un an. Cette lettre est adressée à la soeur de sa femme, Joséphine Petit (née Charlot), épicière à Paris, d’abord 56 rue de Bretagne , puis rue des Moineaux, enfin 86 rue Montmartre.

 

 

 

n° 2

Edme Jacquillat (Montigny)

à Joséphine Petit

11 août 1824

 

                                                                                         11 août 1824

 

Ma chère soeur

 

Je ne sais à quoi attribuer de ce que nous ne recevons pas de vos nouvelles, ce n'est cependant pas ce que vous m'aviez promis lorsque je vous ai quittée : veuillez donc, au reçu de la présente, nous ôter d'inquiétude en nous donnant de vos nouvelles. Il y a-t-il longtems que vous avez vu Charles *, j'ai reçu une lettre de lui en datte du 22 expiré où il me dit qu'il est allé plusieurs fois chez vous et qu'il ne vous a pas trouvée. J'ai appris avec plaisir que vous avez fait l'acquisition d'un autre fond.

Dites moi si vous êtes toujours dans l'intention  de venir au mois de juillet, afin que nous sachions à quoi nous en tenir pour faire baptiser notre petit **.

Avez-vous vu le cousin Jacquillat ***? L'on m'a dit que Mr et Mme Gallet avaient été bien mal ; je leur ai écrit comme à vous : ils sont encore à me répondre.

Ma femme et moi, nous vous embrassons. Assurez de notre amitié notre cher neveu.

Votre frère

 

                                                                              Jacquillat Charlot

 

Nos amitiés à Mr Auguste ****, s.v.p.

 

Montigny, ce 11 avril 1824

 

nota : lettre adressée à      Madame veuve Petit

                               rue de Bretagne n° 56   au Marais    Paris

                               party rue des Moinaux n° 23

                               Bute St Roch

 

* Pierre Adam dit Charles Charlot, frère de Joséphine et beau-frère d’Edme Jacquillat, était libraire à Paris. Il avait épousé Julienne dite Louise Béchet qui, devenue veuve en 1829, se remaria en 1836 avec Jean Brice Jacquillat, minotier à Poilly-sur-Serein et cousin germain d’Edme (elle “a quitté la librairie pour le bonheur”, écrit Balzac). Sur Louise Béchet, voir NICOLE FELKAY : Balzac et ses éditeurs, 1822-1837, étude sur la librairie romantique (Promodis, 1986).

 

** Jules, son second fils, né le 12 février 1824. Edme Jacquillat eut quatre fils : outre Alphonse et Jules, Eugène (1826) et Charles (1831).

 

*** Edme Pierre Jacquillat, né en 1787 à Milly, a épousé, en 1812, à Paris, Marie Gallet : il s’agit d’un cousinage au 7ème degré.

 

**** Auguste Petit est le beau-frère de Joséphine ; elle l’épousera après le décès de Charles.

 

 

n° 3

Geneviève Jacquillat (Montigny)

à Joséphine Petit (Paris)

29 novembre 1824

 

 

                                                                              Montigny, le 29 9bre 1824

 

Ma chère soeur

 

Je te donne avis que je viens de déposer à la voiture du petit musque un petit panier contenant 2 ou 3 petites [       ]de boudin et un morceau de porc. Je t'en envoie peu car la saison est si humide que rien ne se garde. Il pleut continuellement depuis 6 semaines.

 Je t'assure que mon envoi ne vaut pas le port que tu payeras.

Je ne sais à quoi attribuer ton silence depuis presque un an que tu nous a écrit. Vraiment c'est bien mal de ta part ; il faut qu'il y ait quelque chose d'extraordinaire. Veux donc, au reçu de la présente, nous écrire.

Et pourquoi donc n'es tu pas venue nous voir cette année, je t'attendais pourtant. J'espère que tu viendras l'année prochaine avec Auguste *, tu verras mes garçons (1), ils joueront ensemble quoique la différence d'âge soit grande.

Maman me charge de te dire qu'elle t'enverra ce que tu lui as demandé sitôt que la rivière sera moins grande, elle t'embrasse. Elle regrette beaucoup que ton fruit se soit gâté.

Je ne te dis rien pour Lami, il est en route de jour en jour. Bien des choses honnêtes de ma part à Monsieur Auguste. Embrasse mon cher neveu pour moi. Adieu, ma chère amie, je t'embrasse et t'aime de tout mon coeur.

Ta soeur

                                                                                                                       Joséphine

 

Je suis si pressée que je ne sais ce que j'écris.

 

 

(1) mon père (Alphonse) et mon oncle Jules (note de Firmin Jacquillat).

 

lettre adressée à :       Madame

                               Madame Petit mde

                                               épicière rue des Moineaux

                                               n° 23, à la Butte St Roch **

                                               A Paris

 

* Pierre Auguste Petit, né en 1815 : il a 8 ans à l’époque de cette lettre.

 

** sur la butte St-Roch, voir ROCHEGUDE :  Guide pratique à travers le vieux Paris (Ed. Champion, éd.)

 

 

 

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En 1842, Alphonse Jacquillat a 21 ans ; depuis un an, il travaille à la Préfecture à Auxerre. Sa tante Joséphine s’est remariée avec le frère de son premier mari ; elle habite toujours Paris.

 

n° 4

Auguste Petit (Paris)

à Alphonse Jacquillat (Auxerre)

15 février 1842

 

 

                                                                              Paris, ce 15 février 1842

 

Mon cher neveu

 

Nous recevons à l'instant votre lettre d'hier qui nous apprend la mort de Monsieur Charlot. Ce douloureux événement si imprévu, si subit pour nous, a plongé votre tante dans le plus profond chagrin. Sa douleur est augmentée par l'éloignement où elle se trouve de sa malheureuse mère, près de laquelle il lui serait si doux de se trouver dans cette bien triste circonstance. Elle a encore le regret de ne pouvoir partir aujourd'hui même, l'heure étant trop avancée pour la voiture. Elle ne pourra donc partir que par la voiture de demain mercredi, à deux heures, pour arriver jeudi à 8 heures à Auxerre. Veuillez vous trouver à son arrivée.

Je me recommande à vous, mon cher neveu, pour soutenir le courage de votre pauvre Tante que cet événement afflige beaucoup et que j'aurais désiré ne point quitter dans un tel moment.

Veuillez être près de vos Parents, près de votre grand'maman particulièrement l'interprète du vif chagrin que je ressens de leur douleur. Dites-leur que je la partage bien sincèrement. Faites leur agréer l'expression de ma vive

sympathie et de mon affectueux attachement.

Tout à vous

 

                                                                                         Petit

 

nota : lettre adressée à :    Monsieur

                               Alphonse Jacquillat

                                               employé à la Préfecture d'Auxerre

                                               Auxerre