Réflexions sur le Pie XI d’Yves Chiron

 

(à propos de la condamnation de l’Action Française en 1926)

 

Pie XI était, quoique très intelligent, ce qu’on appelle habituellement « un esprit pacifiste » ; il faisait partie de ceux qui, à la maxime  « si vis pacem, para bellum », substituent « si vis pacem, non para... » Il ne pouvait donc que se trouver en contradiction avec un pays qui, comme la France, avait subi, et payé de son sang, deux guerres non préparées.

 

Déjà, bien avant les grandes manoeuvres de 1926, le Pape souhaitait que les catholiques français prissent des assurances à gauche - « la gauche modérée » écrivait Mgr Ceretti, nonce à Paris. « S’il y a des négociations à entamer et des alliances à conclure, c’est de ce côté que devront se tourner les partisans de la paix et de la liberté religieuse... » 1

Le Cartel des Gauches triompha, que l’importance de la Fédération Nationale Catholique n’intimida pas. Bien avant que Pie XI prit lui-même cette décision, Briand demanda la révocation du Père Le Floch, supérieur du Séminaire français de Rome.

 

C’est sur ces entrefaites et dans cette logique qu’intervint, de manière détournée d’abord, puis éclatante, la condamnation de l’Action Française. Le Pape, écrit Yves Chiron - interprétant ici la pensée des dirigeants de l’A. F. - « brisait un mouvement qui était un des principaux opposants à la politique européenne de Briand que lui et son secrétaire d’Etat approuvaient » 2.

Le Saint-Siège justifia cette condamnation par des motifs « de nature rigoureusement  religieuse, c’est-à-dire relatifs à la foi et à la morale ». Mais, ni à ce moment, ni lors de la levée de l’interdiction, d’ailleurs préparée par Pie XI lui-même - et qui fut un des premiers actes de son successeur -  ces motifs n’ont été précisés. Comment d’ailleurs comprendre que ce qui était contraire à la foi en 1926 et priva de sacrements des milliers de catholiques ne l’était plus treize  ans plus tard ?

En outre, cette décision fut soutenue par des hommes comme Georges Bidault et François de Menthon 3 - celui-là même en qui Maurras voyait, en 1945, le symbole de la chienlit qui accompagna et suivit la « libération » de la France et l’instauration du « tripartisme » qui réconciliait les amis de Pie XI et ses pires ennemis.

Dans l’Eglise, l’extirpation des hommes qui soutenaient ou seulement approuvaient l’Action Française fut totale : il s’agissait d’une « hérésie ». Alors le Libéralisme - que dis-je ? le totalitarisme libéral qui avait infesté tout le XIXe siècle -  put entrer par la grande porte. Il occupe toujours chez nous les premières places.

 

Mais n’insistons pas.

Pie XI avait à faire face à bien d’autres soucis : Hitler - dont il découvrit la nocivité bien après Maurras et Bainville -, Staline, Mussolini - qu’il flatta aussi longtemps qu’il le put - , la franc-maçonnerie au Mexique, la Révolution espagnole. L’ « affaire » de l’Action Française n’était plus qu’un triste épisode des relations entre le Vatican et la République Française.

 

Xavier Soleil

 

Yves Chiron : Pie XI  (1857-1939), Editions Perrin. 

 

 

1.     cité page 255.  

2.     je souligne.

3.     pour qui n’a pas lu Votre bel Aujourd’hui, ce magnifique résumé - en près de 500 pages - de toute une vie au service de la France, en voici quelques lignes :

 

« Le crime judiciaire dont nous avons été l’objet à Lyon, Pujo et moi, nous a mis en face, non de M. de Menthon, mais de ses faux témoins, de ses faux jurés, de son faux tribunal, de tout ce qui lui doit et ne doit qu’à lui l’existence. Si nous pardonnons volontiers à ces pauvres gens, celui qui les mit en place tombe naturellement au-dessous de toute mesure de grâce. Dans ma prison, quand certaines commissions administratives sont venues me demander quelles réclamations j’aurais à élever : - J’en aurais trois, répondis-je, et une quatrième : Je réclame la liberté, des excuses, une indemnité, et la tête de M. de Menthon. »

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