Georges-Paul Wagner - Maurras en justice
Maurras et la
Justice : c’est Maurras et la justice républicaine ou Maurras et
l’injustice. Quand il n’y a plus d’état pour incarner la société - et, depuis
l’assassinat de Louis XVI, la société française n’est plus incarnée - il ne
peut plus y avoir de Justice au sens véritable du mot, la justice n’est plus
rendue aux Français. En effet, elle est une des fonctions du père et les
Français n’ont plus de père depuis le 21 janvier 1793.
Quelle va être
la place de Maurras dans une société sans justice ? A l’âge de 35 ans, il
est « entré en politique »
et occupe volontairement une place, un poste dont la Justice est une des
fonctions essentielles. Il supplée à une absence. Il fait, dans la mesure de
ses moyens, la politique de la France réelle à côté ou, le plus souvent, contre la politique partisane de la
France légale - mais illégitime -, ce qui ne va pas sans heurts.
C’est
l’histoire de ces heurts judiciaires qu’avec sa sûreté de jugement et sa verve
habituelles nous conte Maître Wagner.
A partir de
1911, Maurras réarme moralement la France. La guerre venue, il poursuit la
trahison installée dans l’appareil républicain et protégée par lui, mais avant
que Malvy soit traduit en Haute Cour, c’est à l’Action Française que la
police perquisitionne.
En 1924,
l’anarchie est à nouveau installée en France. Mais Maurras n’est pas le Roi, ni
même le Richelieu d’un Louis XIII. Cependant lui seul agit en France dans le
sens de l’intérêt général et chacun de ses actes décisifs verra se dresser contre lui la « défense républicaine ». Il en est ainsi, en 1923-1924, lors de
l’assassinat de Marius Plateau et du procès de Germaine Berton : il agit
en défenseur de l’ordre et déclare qu’il ne se démettra de cette fonction que « le jour où l’Etat voudra prendre ses
responsabilités ».
N’oublions pas
qu’il jouit alors d’une immense popularité. Chacun sait que tel ou tel de ses
actes peut infléchir en bien le
destin de la France. Et c’est l’année suivante qu’il se voit obligé de menacer
de mort, sous condition, le ministre de l’Intérieur Abraham Schrameck
à qui il reproche d’avoir désarmé d’honnêtes gens et de les « avoir livrés sans défense aux ennemis de la
patrie et de la société » - et d’ajouter : « Tout est prêt pour mettre à feu le pays, et
ceux qui veulent résister, vous les désarmeriez ? C’est possible. Mais
voici le certain. Il restera une arme pour vous abattre, vous. Pour qu’il n’y
ait pas de malentendu anthume ou posthume, j’en donne ici l’ordre formel à ceux
qui veulent bien accepter mon commandement... »
Puis vinrent l’arrivée
de Hitler au pouvoir, les ambitions de Mussolini en Abyssinie et les campagnes « antifascistes »
en France et, à nouveau, l’action de Maurras infléchit le sort de la France et,
cette fois, le conduit directement en prison. Il a alors 68 ans et fait
stoïquement les 250 jours de prison qui lui ont été infligés. Mais deux jours après
sa sortie, le 8 juillet 1937, l’élite intellectuelle française lui rendait un
vibrant hommage, au Palais des Sports, devant plusieurs dizaines de milliers de
Parisiens ; le 29 décembre, un comité inter-universitaire,
représentant des membres de l’enseignement supérieur de 15 pays, proposait que
lui fût attribué le Prix Nobel de la Paix ; enfin, le 9 juin 1938, il
était élu à l’Académie Française par vingt suffrages sur trente-six votants,
avec l’appui du cardinal Baudrillart, de l’amiral Lacaze et du maréchal Pétain.
Maurras fit
tout ce qui était en son pouvoir pour éviter ou, au moins, retarder une guerre voulue
par un oligarchie internationale qu’il n’est plus, aujourd’hui, permis de
nommer. Germanophobe invétéré, il continua à diriger l’Action Française pendant
toute la durée de la guerre. La Libération
entraîna son arrestation par le commissaire
du gouvernement Yves Farge, puis son procès
devant la Cour de Justice de Lyon - composée de quatre jurés titulaires et deux
jurés suppléants « tirés au sort,
conformément aux règles de la justice d’exception de l’époque, sur une liste ne
comportant que des résistants homologués
par des mouvements officiels » - et sa condamnation au bagne à
perpétuité. C’était le 27 janvier 1945 et, selon le mot ironique de
Maurras lui-même, ce fut « la revanche
de Dreyfus ». Ce fut aussi - et Maître Wagner le rappelle en des pages
magnifiques - un des procès les plus iniques de l’histoire.
Mais, à ce
jugement, Maurras avait répondu par avance : « Laissez de côté le procès de trahison qui ne tient pas debout, qui est
rejeté par tout, par l’essence de ma vie et ma nature. Rendez-moi ma
personnalité. Ne vous amusez pas à fabriquer un mannequin que vous appelez
Charles Maurras. J’ai, moi, ma vie, mes
livres, ma doctrine, mes idées mes disciples, j’ai l’avenir devant moi qui vous
flétriront ».
Maurras et la
Justice ou Maurras et l’injustice ? La justice qui le frappe ne mérite pas
un « j » majuscule et si quelqu’un a posé des actes justes et utiles
dans une époque anarchique et sans lois, c’est bien lui et non les
représentants d’une justice partisane.
éditions Clovis, août 2002