Marie-Madeleine Martin Historien


Marie-Madeleine Martin est née le 12 décembre 1914 à Sully-sur-Loire ; elle est décédée le 7 mai 1998 à La Chapelle d'Angillon. Elle est reçue à l’Ecole des Chartes en 1939 et; trois ans plus tard, encore étudiante, elle publie son premier livre, Aspects de la renaissance française sous Henri IV, auquel fut décerné, sur manuscrit, le prix Sully-Olivier de Serres. La maison Plon publiera l’ouvrage en 1943, et il sera couronné par l’Académie française en 1944.

Elle avait été initiée à l’histoire par son père, Louis Martin, journaliste et écrivain, ainsi qu’elle le raconte dans le petit livre qu’elle a consacré à sa mémoire, Louis Martin mon père (1884-1971).

En 1942, toujours élève à l’Ecole des Chartes, elle entreprend la rédaction de l’Histoire de l’idée de patrie en France qui, sous le titre d’Histoire de l’Unité française sera publiée, six ans plus tard, en Suisse, les éditeurs français sollicités ayant exigé la suppression du chapitre final consacré à Charles Maurras, alors en prison. C’est cependant cet ouvrage auquel l’Académie Française décernera l’année suivante le Grand Prix Gobert, attribué à une femme pour la première fois depuis sa fondation en 1834.

D’autres grands livres suivirent : Le « Génie des Femmes » en 1950, Sully le Grand en 1959, Le Roi de France ou les grandes journées qui ont fait la monarchie en 1963, et, la même année, Les Doctrines sociales en France et l’évolution de la société française du XVIIIe siècle à nos jours, Le Latin immortel en 1971.

Elle publia aussi une Histoire de France racontée aux enfants (1948) afin, écrit-elle dans la préface du livre, « que les enfants, à l’âge où ils s’intéressent surtout aux contes, s’initient à l’Histoire de leur pays comme à une merveilleuse aventure et que les héros réels leur deviennent familiers à la façon des personnages féeriques qui leur sont chers », ainsi qu’une Petite histoire de la colonisation française (1955), car « dans une époque où les peuples se déchirent si cruellement, c’est avec une grande émotion et une grande fierté que les Français doivent relire le message de sagesse et de pitié humaines inscrit par leurs ancêtres sur tous les points du vaste monde ».


Dans Je suis historien, paru en 1978, Marie-Madeleine Martin évoque les influences qui, après celle de son père, se sont exercées sur elle et l’ont conduite à définir le sens exact et la portée de sa vocation. C’est d’abord le grand historien suisse, Gonzague de Reynold, auteur de La Formation de l’Europe, qui, par sa culture mi-latine, mi-germanique, détruisit définitivement en elle tout préjugé anti-allemand ; puis le diplomate et historien Pierre de Luz qui, comme tant d’autres avait fui en Suisse la France de la Libération ; le critique belge Drion du Chapois, qui classera la lecture de Sully le Grand parmi « les plus beaux souvenirs, les plus fortes émotions de [sa] longue carrière. D’emblée, écrira-t-il, j’en ai classé l’auteur aux côtés de Fustel de Coulanges, d’Albert Sorel, de Taine ». – Enfin et peut-être surtout Charles Maurras dont elle revendiqua toujours l’honneur d’être le disciple et qui lui avait écrit, après la lecture de l’Histoire de l’Unité française : « … C’est le plus orthodoxe des livres (ajoutant en marge : Bien entendu, orthodoxe signifie… le juste honneur rendu à l’action généreuse et singulière des Rois fondateurs). Et c’est aussi le plus ami, je me le dis à chaque instant… Le patient travail de démolition et de reconstruction auquel vous vous êtes livrée sur l’idée de l’unité nationale vous a récompensée de ce dévouement désintéressé qui veut la certitude, ne se rend qu’à son évidence et n’épargne rien pour les posséder… »


L’activité de Marie Madeleine Martin se prolongea dans différents domaines. En 1949, elle fonde, contre vents et marées, une maison d’édition, Reconquista (devenue les Editions du Conquistador), dont l’administration allait « lui devoir des difficultés et des combats épiques, mais qui lui permettront de comprendre les ressorts cachés du monde des Lettres contemporain. » Elle consacrera à ce monde des Lettres un terrible pamphlet en 1970. 


Sully-sur-Loire, La Chapelle d’Angillon qu’elle habita et restaura, tout ramenait la jeune femme à cette famille de Sully qu’elle étudia passionnément. Il y avait eu, au XIIIe siècle, Maurice de Sully, le petit paysan devenu évêque, puis archevêque de Paris, qui conçut le plan de Notre-Dame ; puis son neveu Eudes qui en commença la construction, mais aussi Henri de Sully qui imagina le plan primitif de celle de Bourges. La dernière descendante de cette famille, Marie, épousa en 3e noces Charles d’Albret et mourut au château de Pau en 1421, dans ce même château où, en 1553 devait naître le futur Henri IV, « l’un des plus grands rois de France [qui sera] soutenu dans sa tache par un ministre admirable qui relèverait, lui, ce nom de Sully, que Marie avait perdu ».


Enfin, parallèlement à l’étude de cette famille et fidèle à l’esprit européen de son maître et ami Gonzague de Reynold, Marie-Madeleine Martin consacra deux livres à Othon de Habsbourg, prince d’Occident et à Baudouin Ier et la Belgique.



Bibliographie


Ouvrages concernant l’histoire de France


Histoire de l’Unité française (ou L’idée de patrie en France des origines des origines à nos jours).


Les Doctrines sociales en France et l’évolution de la société française du XVIIIe siècle à nos jours.


Le Roi de France ou les grandes journées qui ont fait la monarchie.


Présence de Jeanne d’Arc.

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Saint Vincent de Paul et les Grands.


Le Secret des premiers Capétiens.


Mariage du Prince Henri de France et les enseignements aux dauphins par les rois de France.


Ouvrages concernant Sully


Aspects de la renaissance française sous Henri V.


Sully-le-Grand, l’ami du roi.


Maurice de Sully, un grand évêque d’Occident.


Pour la résurrection de château de Sully-sur-Loire.


Henrichemontn la ville du grand Sully et l’extraordinaire destin de la principauté de Boisbelle.


Les grandes ombres du château de Béthune, à la Chapele d’Anguillon, du XIe au XVIIIe siècle.


Histoire inédite du château de Sully-sur-Loire.


Souvenirs de dix années au château de Béthune.


Essais, Contes


Le « Génie » des femmes.


Contes de chevalerie.


Trois Contes, préface de Jean de La Varende.


La Vie de Sigismond Malatesta, préface de Henry de Montherlant.


Morceaux choisis de l’œuvre de Robert Brasillach.


Le Latin immortel.


Louis Martin, mon père.


Charles De Gaulle cité au tribunal de l’Histoire en l’année Saint Louis.


Je suis historien.


Sainte Véronique et le culte de la Sainte Face.


Ouvrages sur l’histoire européenne


Othon de Habsbourg, prince d’Occident.


Baudouin Ier et la Belgique.


Les Français auront-ils un roi espagnol ? précédé de La France et l’Espagne à travers les âges.


Pamphlets


Lettre ouverte à quelques-uns sur les secrets honteux du monde des lettres.


De la foire aux fonctionnaires à la France totalitaire.


Disques


Survol de l’épopée française d’outre-mer à travers les âges.


Un château français dans ses campagnes.



Citations de Marie-Madeleine Martin


« … Mon père avait connu personnellement tous les chefs de l’Action française car la très haute tenue du journalisme, au début du siècle, faisait, des journalistes d’idées, des phares de la province et de Paris. Au bas d’une de ses photographies, Maurras avait écrit pour mon père : « A Louis Martin, en souvenir des longues campagnes communes ». Et sur la première page du Dictionnaire politique, le maître avait dessiné, par ses célèbres hiéroglyphes : A Louis Martin, fidèle des fidèles ». Mon père correspondait avec Maurras, Daudet, Bainville ; il était lié d’une amitié très vive avec Pierre Tuc (Henri Lasserre) qui rédigeait alors la meilleure Revue de Presse de Paris ; avec Lucien Dubech, éblouissant chroniqueur théatral… et sportif, érudit, poète ; avec Louis Gonnet, secrétaire particulier de Maurras, et le seul à pouvoir déchiffrer les pires grimoires du maître. La vie de l’A.F. débordait dans notre maison, non seulement par le journal (attendu, lu avec ferveur), mais par des échos vibrants, des confidences chaleureuses… »

extrait d’un article paru dans Aspects de la France vers 1950


« … Les anecdotes sur Sully ont bercé mon enfance, le personnage de Sully a été mêlé à mes premières découvertes du monde dans le pays de ma naissance qui avait été, au XVIIe siècle, le lieu de sa retraite, et qui lui conféra le nom sous lequel le désigne la gloire. Et c’est mon père qui m’apprit tout ce que je pourrai dire de lui… Historien de sa cité, de sa région, mais historien-lutteur, mon père ne consultait les vestiges du passé que pour y trouver des leçons utiles au présent, et par-dessus tout l’enseignement des lois immuables qui régissent la vie des humains. »


« Si le roi Henri V s’attacha à imposer la reprise du drapeau blanc en 1871 (ce qui sembla, longtemps, sottise d’obstiné), c’est parce qu’il savait très bien que la noblesse « orléaniste », l’aristocratie libérale rêvait de ramener le roi comme caution du maintien des erreurs de la Révolution.

Comme Louis XVI, il ne crut pas possible de rétablir la monarchie, sans que la nation eut restitué en elle-même les conditions de la monarchie. Il craignit une Restauration avortée comme celle de Louis XVIII et de Charles X. »

Le Roi de France ou les grandes journées qui on fait la monarchie (page 238)


« Nous n’y pouvons rien, au XIXe siècle, les deux plus lucides observateurs de la société sont un romancier et un poète, Honoré de Balzac et Péguy. »


« De mon temps, dans la plupart des corps de métiers, on ne gagnait pour ainsi dire rien. Les salaires étaient d’une bassesse dont on n’a pas idée. Et pourtant… il y avait dans les plus humbles maisons uns sorte d’aisance dont on a perdu le souvenir. Au fond, on ne comptait pas. Et on n’avait pas à compter. Et on pouvait élever des enfants. Et on en élevait. Il n’y avait pas cette espèce d’affreuse strangulation économique qui, à présent, d’année en année, nous donne un tour de plus. On ne gagnait rien ; on ne dépensait rien ; et tout le monde vivait. »

Charles Péguy

« Au lieu des bourgeoisies telles que les connaissait l’Ancien Régime, rassemblées dans une classe essentiellement « de transition » dans laquelle se déversaient sans arrêt les valeurs neuves amenées, à travers les coutumes d’une famille ou d’une association, à gravir les paliers d’une ascension naturelle et normale, la Révolution, après cent cinquante ans, a placé la nation française devant une nuée d’individus possédés de la rage de l’arrivisme à tout prix.

Freinée, pendant de longues décades, par les immenses réserves de traditions et de sagesses accumulées par l’Ancien Régime, cette ruée ne révéla pas pendant longtemps sa malfaisance. Les deux dernières guerres ont fait éclater l’alambic où s’accumulaient tant d’explosifs cachés. D’une part ces guerres ont fait subir aux élites réelles du pays une saignée dont on n’a pas encore évalué l’importance ; d’autre part elles ont fait tomber définitivement les remparts que la vieille société élevait contre l’assaut d’une anarchie préparée de si longue date.

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L’historien s’aperçoit plus que jamais qu’un peuple n’échappe pas sans de grands périls à sa nature et à son histoire. La France n’a commencé à exister que lorsque la famille capétienne l’enfanta, puis lorsqu’elle la soutint, la protégea, la défendit dans une lutte constante, dans un arbitrage incessant, entre les intérêts divergents et les excès des féodalités. Pour avoir guillotiné Louis XVI, la France moderne est revenue à l’état de chaos que trouva Hugues Capet à son avènement. 

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Devant un tel écroulement, et tandis que la haute bourgeoisie s’est raidie dans son adoration du Veau d’Or, nous croyons encore une fois que le seul espoir de redressement viendra d’une chevalerie formée par des êtres d’élite qui se souviendront des impératifs des bourgeoisies de l’ancienne France : travail, probité, dévouement au service public et ferveur animée par la foi. »

Les Doctrines sociales en France et l’évolution de la société française du XVIIIe siècle à nos jours (page 15 et 278 et sq)









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