Balzac, écrivain contre-révolutionnaire

 

Dans certains romans, Balzac a mis toute son âme, - celle de son enfance dans Louis Lambert, celle de sa jeunesse dans Le Lys dans la Vallée, celle de ses débuts d’écrivain dans la curieuse nouvelle intitulée  Facino Cane ; mais, dans d’autres œuvres, peut-être moins connues, c’est de sa doctrine qu’il s’agit.

L’Avant-Propos de la Comédie Humaine contient les phrases-clés de sa pensée politique, mais il faut lire aussi des romans aussi considérables que Le Médecin de Campagne, le Curé de Village, Les Paysans, Les Mémoires de deux jeunes mariées ou L’Envers de l’histoire contemporaine pour se rendre compte de l’importance qu’il attachait à cet aspect de son œuvre.

Sur le plan politique, les deux grands principes de Balzac sont l’ordre et l’unité : sans l’un et l’autre, pas de société viable. La Religion est garante de l’unité, la Monarchie assure l’ordre (pour la mise en œuvre d’une sage politique monarchique, lire, par exemple le Bal de Sceaux). Il voyait dans le roi la permanence d’un pouvoir fort, énergique, moteur des progrès, arbitre des classes dans leurs intérêts divergents ou contraires, et seul capable de brider les exactions et les concussions, défenseur de la justice.

La cellule de base de la Société est la Famille - et non l’individu, principe révolutionnaire - dont le mariage et le droit d’aînesse sont le ciment. En dehors de ces principes et de ces solides fondements, toute société, et avec elle toute civilisation, court à la ruine, les passions les plus basses reprenant alors le dessus, sous l’action conjuguée des virus de l’individualisme et du socialisme (ou communisme).

Il est insensé de faire de Balzac un écrivain révolutionnaire, comme l’ont tenté certains, au prétexte qu’il a décrit avec vigueur les catastrophes auxquelles conduit, tant l’individu qui s’y adonne que, par contrecoup, la société toute entière, le triomphe des passions telles que l’amour romantique et déréglé (voir Béatrix), l’ambition, l’envie (voir Les Paysans, Les Petits Bourgeois) ou la cupidité sans mesure (voir Eugénie Grandet, Illusions perdues, La Maison Nucingen).

En 2004, alors que se prépare la constitution d’une Europe non chrétienne, il convient de méditer des réflexions comme celles-ci :

« On ne donne aux peuples de longévité qu’en mesurant leur action vitale. L’enseignement, ou mieux l’éducation par les corps religieux, est le grand principe d’existence pour les peuples, le seul moyen de diminuer la somme du mal et d’augmenter la somme du bien dans toute la société. La pensée, principe des maux et des biens, ne peut être préparée, domptée, dirigée que par la religion. L’unique religion possible est le christianisme. Il a créé les peuples modernes, il les conservera ».

Et ailleurs : « Le christianisme et surtout le catholicisme étant un système complet de répression des tendances dépravées de l’homme, est le plus grand élément de l’ordre social ».

Barbey d’Aurevilly qui, en 1854, avait, composé un recueil de Pensées et Maximes extraites de la Comédie Humaine ainsi que de la Correspondance que lui avait confiée l’éditeur Michel Lévy, pouvait écrire, en présentant ce petit volume où il révélait « un second Balzac, tout aussi admirable que le premier, s’il ne l’est pas davantage » : « Religieux, catholique, absolu d’idées comme tout penseur, Balzac est de cette grande école d’autorité qu’on rencontre à une certaine hauteur dans toutes les sciences et toutes les oeuvres humaines. Le catholicisme n’a besoin de personne, mais le catholicisme, nous osons le prévoir, réclamera un jour Balzac comme un de ses écrivains les plus dévoués et les plus fidèles, car, en toute thèse, il conclut toujours comme le catholicisme conclurait ».

 

Bibliographie : La Comédie Humaine Bibliothèque de la Pléiade, 1976-1981 ( 12 volumes) - Philippe Bertault : Balzac (Hatier, 1966, collection « Connaissance des Lettres).

Xavier Soleil

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